La trahison du Conseil Constitutionnel

Après un mois d’attente, le verdict d’inconstitutionnalité de la loi Boyer a, une fois de plus, démontré que le droit n’était que le jouet de la politique. La formule conventionnelle, que le Conseil Constitutionnel nous a jetée avec mépris, masque une décision nauséabonde, dans laquelle les considérations diplomatiques ont largement primé sur la réflexion juridique. Finalement, la politique et le déni ont pris leur revanche sur le droit.

Pouvait-il en être autrement ? Même si les membres les plus ouvertement compromis avec la Turquie ne participaient pas aux délibérations, nous savions pertinemment que le Conseil n’avait pas été purgé des influences pilotées par Ankara ; il était certain que des membres influents (présents ou passés) déploieraient un zèle sans limite pour faire obstruction à cette loi, comme ils avaient pu le faire par le passé.

Cette décision frappe par la vacuité de ses arguments et son profond cynisme. Au nom d’une « liberté d’expression » galvaudée, le Comité dit des « sages » souille la mémoire des victimes du premier génocide du XXème siècle. Curieuse conception que celle d’une liberté d’expression sans limite, qui légitime les discours racistes et négationnistes !

Comble du cynisme, le Conseil ose évoquer le principe d’égalité pour justifier sa décision. De qui se moque-t-on ? Ce texte permettait aux descendants de victimes de tous les génocides reconnus – ou qui seront reconnus – par la France de bénéficier de la protection de l’Etat Français. Il avait précisément pour but de corriger une inégalité de traitement entre les citoyens protégés par la loi Gayssot et ceux à qui l’on refuse la protection de la mémoire. Etablir une hiérarchie entre les descendants de victimes de génocides, est-ce là la conception républicaine de l’égalité ?

Par ailleurs, les membres du Conseil constitutionnel ont délibérément feint d’ignorer le négationnisme auquel se heurtent quotidiennement les français d’origine arménienne. Ce négationnisme, piloté par Ankara, s’est intensifié sur le territoire français ; il a pris notamment la forme d’actes de vandalisme sur les stèles commémoratives, de rassemblements négationnistes et haineux d’ultranationalistes, d’agressions physiques de militants. Par leur décision, les dits « sages » l’ont légitimé, encouragé, et renforcé, au lieu de le condamner. Faut-il leur rappeler que le négationnisme est la continuation du processus génocidaire ? Il était non seulement de leur devoir de garantir la sécurité des citoyens français quelle que soit leur origine, mais également de faire en sorte que le crime s’arrête aux frontières de la France. Au lieu de cela, il leur a semblé jouissif de renvoyer dos à dos les bourreaux et les victimes. En déniant aux français d’origine arménienne le droit le plus élémentaire, à savoir la protection de l’Etat, ils les ont traités comme des citoyens de seconde zone.

Une fois de plus, les considérations politico-financières ont primé sur les idéaux de justice et de dignité humaine. Alors que le droit est là pour défendre l’opprimé, aujourd’hui, cette noble discipline a été instrumentalisée pour être mise au service du négationnisme et de l’arménophobie. Aristote écrivait : « Le sage est à un suprême degré l’homme qui ne relève que de lui-même ». Alors aujourd’hui, messieurs et mesdames les « sages », nous souhaitions vous dire qu’en vous faisant les défenseurs du négationnisme, vous avez trahi l’idéal d’Aristote et souillé votre fonction.

Sachez également que notre détermination n’en est que plus forte : soutenus par tous les défenseurs des valeurs de notre République, nous continuerons à nous battre contre vents et marées pour faire barrage à la politique génocidaire et négationniste d’Ankara et faire enfin triompher la justice.

Paris, 28 février 2012

 

 

 

 

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